Comprendre la Trésorerie d'une Entreprise : Exemple TotalEnergies
Introduction : Pourquoi analyser la trésorerie est indispensable
Lorsqu'on découvre la finance d'entreprise, on entend souvent parler du chiffre d'affaires, du bénéfice net ou encore des dividendes. Mais un indicateur fondamental reste trop souvent ignoré : la trésorerie. Or, savoir lire un tableau de flux de trésorerie permet de vérifier la santé réelle d'une entreprise : combien d'argent elle encaisse, combien elle dépense, et surtout où va ce cash.
Le bénéfice comptable peut être influencé par des règles d'évaluation ou des choix fiscaux. Le cash-flow, lui, représente l'argent réel qui entre et sort, sans artifice comptable.
Dans cet article, nous allons détailler, pas à pas, comment lire un tableau de flux de trésorerie d'une grande entreprise à partir d'un exemple réel : TotalEnergies, acteur mondial dans le secteur de l'énergie.
1. Les trois grands axes du flux de trésorerie
Un tableau de flux de trésorerie se divise en trois grandes parties :
D'abord, le flux de trésorerie d'exploitation, qui mesure si l'entreprise arrive à générer du cash avec son activité courante. Ensuite, le flux de trésorerie d'investissement, qui renseigne sur les dépenses ou recettes liées aux investissements. Enfin, le flux de trésorerie de financement, qui reflète les entrées ou sorties d'argent liées aux emprunts, au paiement de dividendes ou au rachat d'actions.
2. Le flux de trésorerie d'exploitation
C’est la colonne vertébrale de toute entreprise. Elle regroupe les flux de trésorerie issus directement de l’activité opérationnelle : ventes, achats, paiements fournisseurs, encaissements clients, impôts, etc.
Pour TotalEnergies en 2024, ce flux s'élève à 30,85 milliards de dollars. On part ici du résultat net (environ 16 milliards), auquel on ajoute les charges qui ne sont pas des sorties de cash (comme les amortissements, plus de 13 milliards), ainsi que la variation du besoin en fonds de roulement (stocks, créances, dettes fournisseurs).
Un flux d’exploitation élevé signifie que l’entreprise fonctionne bien au quotidien, qu’elle vend, encaisse, paie ses charges, et qu’à la fin, il reste du cash. C’est essentiel, car c’est ce flux qui permet ensuite de rembourser les dettes, d’investir, ou de verser des dividendes.
3. Le flux de trésorerie d’investissement
Ce flux permet de comprendre la stratégie à long terme de l’entreprise. Investit-elle dans ses usines, ses infrastructures, ses technologies ? Achète-t-elle d’autres sociétés ? Ou au contraire, revend-elle des actifs ?
En 2024, TotalEnergies a investi plus de 17 milliards de dollars. Ce chiffre peut sembler élevé, mais il reflète une politique volontariste : développement de projets, transition énergétique, renforcement des capacités.
Par exemple, on trouve dans ces flux des achats d’actifs corporels, des acquisitions d’entreprises, mais aussi des investissements dans les énergies renouvelables ou le gaz liquéfié.
Même si ces sorties de cash sont importantes, elles sont souvent un signal positif, car elles montrent une entreprise qui se projette dans l’avenir. Il faut cependant qu’elles soient rentables à terme.
4. Le flux de trésorerie de financement
Ce troisième bloc raconte une autre histoire : celle de la manière dont l’entreprise finance ses opérations. Elle peut lever de l’argent par emprunt, ou au contraire rembourser ses dettes. Elle peut aussi décider de verser des dividendes à ses actionnaires, ou de racheter ses propres actions pour soutenir son cours de Bourse.
En 2024, TotalEnergies a utilisé environ 14,4 milliards de dollars dans ce domaine. Plus de 7,7 milliards pour payer des dividendes, et environ 8 milliards pour racheter ses actions. Ces chiffres illustrent une politique très généreuse envers les actionnaires. En parallèle, l’entreprise a émis pour plus de 7,5 milliards de dettes nouvelles, tout en remboursant d’autres emprunts.
Ce flux permet donc de comprendre si l’entreprise s’endette, rembourse, ou redistribue massivement.
5. Le résultat final : la variation de trésorerie
En mettant bout à bout les trois flux (exploitation, investissement, financement), on obtient la variation nette de trésorerie sur l’année. Pour TotalEnergies, elle est négative de 903 millions de dollars.
Cela peut surprendre : comment une entreprise aussi rentable peut-elle terminer avec moins de cash ?
La réponse est simple : parce qu’elle a massivement investi, tout en versant beaucoup à ses actionnaires. Elle a choisi de transformer ses excédents d’exploitation en croissance future et en redistribution.
Sa trésorerie de fin d’année reste élevée : 25,8 milliards de dollars. Cela montre que la gestion est saine et maîtrisée.
6. Les ratios clés pour interpréter les flux de trésorerie
a. Free Cash Flow (FCF)
C’est le cash réellement disponible une fois les investissements réalisés. Formule : Cash Flow d’exploitation – investissements nets En 2024 : 30,85 – 17,33 = 13,52 milliards de dollars
b. Free Cash Flow Yield (Rendement du FCF)
FCF / Capitalisation boursière. Cela permet de comparer la génération de cash avec la valeur de marché. Si Total a une capitalisation de 150 milliards $, cela donne : 13,52 / 150 = 9 %, un excellent niveau.
c. Cash Conversion Ratio
Mesure la capacité à transformer le résultat net en cash. Formule : Flux de trésorerie d'exploitation / Résultat net = 30,85 / 16 = 1,93 Cela signifie que Total génère presque deux fois plus de cash que de résultat net, ce qui est remarquable.
d. Taux de réinvestissement
Indique quelle part du cash est utilisée pour investir. Formule : Investissements nets / Cash Flow d’exploitation = 17,33 / 30,85 = 56 % TotalEnergies réinvestit plus de la moitié de son cash opérationnel.
e. Capex Ratio
Permet d’évaluer l’intensité capitalistique. Formule : Investissements / Chiffre d’affaires Si CA = 236,1 Mds $, alors 17,33 / 236,1 = 7,3 %
f. Ratio de couverture des intérêts
Mesure la capacité à rembourser les charges financières. Formule : Cash Flow d’exploitation / Charges d’intérêt. Si les intérêts sont de 2 Mds $, alors : 30,85 / 2 = 15,4x Très rassurant.
g. Ratio d’endettement (gearing)
Dette nette / (Dette nette + Capitaux propres) = 10,9 / (10,9 + 120,3) = 8,3 % Un niveau faible, signe d’une structure financière très solide.
h. Trésorerie nette / Total du bilan
Indique le niveau de liquidité par rapport à la taille de l’entreprise. Si Total a un bilan de 300 Mds $, alors : 25,8 / 300 = 8,6 %
Conclusion : Pourquoi lire un tableau de flux de trésorerie ?
Comprendre les flux de trésorerie, c’est comprendre la réalité financière de l’entreprise. Au-delà des bénéfices affichés, c’est le cash qui fait tourner la machine : payer les salaires, rembourser les emprunts, financer l’innovation.
Dans le cas de TotalEnergies, on voit une entreprise robuste, génératrice de cash, qui investit lourdement pour l’avenir tout en rémunérant généreusement ses actionnaires. C’est un exemple parfait pour s’initier à la lecture des flux de trésorerie.
Pour tout investisseur débutant, étudiant en finance ou entrepreneur, c’est une compétence indispensable. Car à la fin, c’est bien le cash qui parle.